Très cher lecteur bienvenue à toi.

Aujourd’hui nous nous rendons dans la Drôme à la découverte des réalisations de la plasticienne Annik Reymond. La première fois que je suis tombé sur une de ses œuvres, mon regard s’y est tout de suite accroché.

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De multiples tracés se présentent à nous. Ils s’additionnent et s’organisent pour révéler un espace sombre traversé par une lumière solitaire. Le regard s’évade et s’imagine une pièce close, remplie de sombres voiles accrochés aux murs comme au plafond qui filtrent et diffusent l’unique source lumineuse présente.

Ou alors, s’agit-il d’un lieu anonyme traversé par les âges qui s’est vu assiégé par une horde d’araignées qui s’est arrogée le droit de tisser d’immenses toiles dans l’espace. L’apparent capharnaüm révèle en réalité une organisation complexe qui empêche toute progression vers le fond de la pièce, là où jaillit une mystérieuse lumière. Seul le regard peut s’y frayer un chemin.
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Quelques mots sur Annik

Formée en Arts Visuels à Genève, elle a ensuite vécu et travaillé en Haute-Savoie puis à Nyons en Drôme provençale, France.
Annik a exercé diverses activités en lien avec la création, qu’elle continue à pratiquer pour certaines d’entre elles : performances, installations sonores, lumineuses, peintures collectives, musique et spectacles musicaux, enseignement des arts visuels, graphisme, animation d’ateliers d’expression créatrice…

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Son processus de création

« En totale présence, j’accueille sans fard la note de l’instant dans la gamme des états d’être. C’est seulement là que peut naître un geste juste, qui ne procède ni de ma volonté ni de mon savoir, quelque chose de neuf (à tout le moins pour moi) : la trace des soubresauts du vivant.
Autant l’outil, la technique, le geste, la couleur ou son absence, que le format concourent à rendre compte de cet en-moi.
Bien que très simple dans le principe, cette attitude me conduit à expérimenter de manière parfois cuisante la différence entre les gestes commandés par l’ego, voués à l’échec, et l’abandon actif dans l’immensité de l’instant, où il ne s’agit plus de représenter mais de présenter ce qui est. »

Au début j’avoue avoir été attiré uniquement par les visuels. Mais en lisant son propos mon intérêt pour le travail d’Annik a doublé.
Cette démarche basée sur le lâcher-prise est tout à fait intéressante. Il est de notre nature de vouloir maîtriser les choses pour en contrôler les effets et le résultat. Ici Annik prône le détachement de la technique pour s’abandonner à la pulsion créatrice du moment. Seule l’expression brute et sans filtre de « l’état d’être » compte.
C’est un exercice me semble-t-il ultra difficile, surtout pour une personne comme moi, « obsédé » par la maîtrise. Comment fait-on ? Je me suis posé plusieurs questions sur cette démarche que j’ai décidé de soumettre à notre artiste.


Qu’est-ce qui t’a amenée à adopter cette démarche particulière?

J’avais arrêté la création artistique proprement dite pendant une quinzaine d’années, après une indigestion d’art contemporain lors de la visite d’une grande foire: pourquoi rajouter mon petit caillou à cette immense plage de galets ?
Alors, j’ai créé autrement: graphisme pour des organismes voués au social, à la santé, à la politique, enseignement artistique, animation d’ateliers d’expression pour adultes et adolescents…

Je me suis rendu compte qu’au final c’était moi qui avais besoin de m’exprimer…!
J’ai donc recommencé à chercher ma voie, un ou deux ans à tâtonner.
Pour ne pas me retrouver devant le même écueil, je me suis posé ces questions et j’ai gravé les réponses dans ma mémoire :

– Pourquoi créer ?

Pour dire qui je suis, ce que j’ai à l’intérieur de moi.

– Pour qui ?

Pour ceux qui ont une configuration affective, une sensibilité semblable à la mienne.

– Comment ?

En exprimant le plus honnêtement et le plus profondément possible ce qui m’anime.

– Et un postulat:

Si je suis assez sincère et authentique, il y aura sans doute quelqu’un à l’autre bout qui résonnera à ce que j’ai produit.

– Bon alors, ce que j’ai à l’intérieur, quelle forme ça a ?

Et c’est parti comme ça, à la chercher du bout de l’outil dans l’instant où je peignais. Puis le trait, la valeur, la nuance, le format, la couleur…
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Comment procèdes-tu pour te défaire de tous ces acquis et accéder au « geste juste » ?

Je parle souvent de sismographies: l’idéal, c’est quand je ne veux rien et que mon outil épouse simplement mes soubresauts intérieurs.
Le plus difficile est d’être dans cet état de liberté. C’est le plus jouissif aussi, mais ça ne se décrète pas: ça advient dans la disponibilité, sans que ce soit possible de le commander.
Si j’ai réussi quelque chose auparavant et que je souhaite retrouver ce sentiment de réussite, je suis certaine d’aller droit à l’échec.
Cela me pousse, pour être véridique, à être totalement dans le présent.
C’est à la fois très exigeant et passionnant: c’est une sorte de discipline méditative réinventée pour les besoins de l’expression d’une trace juste.
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Es-tu toujours satisfaite du résultat ? 

Non, rarement. Parfois, des « états de grâce » adviennent, où quelque chose se pose assez rapidement et me surprend, où il n’y a rien à faire de plus.
Mais d’autres fois, je n’ai pas cette disponibilité et je dois parlementer avec ma peinture en couches successives jusqu’à ce que la justesse revienne, parfois sous forme d’exaspération ou de colère qu’il m’est alors plus facile de discerner et de poser avec justesse sur le papier.
Le plus souvent c’est quelque chose sans évidence, qui me convainc à moitié, mais qui finit par se stabiliser pour former une sorte d’image nette.

Le sentiment à la fin, c’est « oui, c’est ça. »
Je ne considère pas une peinture comme terminée tant que ce sentiment n’y est pas. Parfois, une peinture peut passer des mois dans un carton avant qu’un trait puisse lui permettre de passer dans celui des peintures finies.
En tout cas, je renonce rarement, j’essaie d’aller au bout de chaque peinture, grande ou petite.
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As-tu une façon particulière de travailler dans ton atelier ?

Dans mon atelier les seuls bruits sont ceux de mes outils et de la nature qui m’entoure. J’ai besoin de pouvoir entendre ma musique intérieure, alors je ne peux pas écouter la musique de quelqu’un d’autre. Ou alors, il s’agit de le faire intentionnellement, dans le cadre d’une performance : peindre la musique que l’autre joue, pendant qu’il joue ce que je peins.

Périodiquement, je prends un petit moment pour méditer avant de peindre, ce qui me permet d’être pile poil dans le présent et dans mes sensations. Mais ce n’est ni régulier ni indispensable. Peindre est déjà une forme de méditation pour moi: juste être, sans intention, sans attente. C’est d’ailleurs la peinture qui m’a amenée à la méditation et non le contraire.
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Penses-tu un jour produire des choses figuratives ?

J’en ai fait par le passé. Je réessaie périodiquement.
J’avais dans l’idée de faire une série « de l’extérieur vers l’intérieur », partant d’une observation, puis me tournant progressivement vers l’intérieur aller vers l’abstraction, mais je n’arrive plus à m’intéresser à la représentation de la forme…Peut-être me distrait-elle trop pour me permettre d’écouter ce que j’ai à l’intérieur.

Mais très rarement, l’extérieur est si imposant qu’il se retrouve dans ma peinture, même si je n’ai pas eu l’intention de le représenter: dans ce que je fais, il s’agit plus de présenter ce qui est que de représenter, même si la figuration s’invite parfois.

 

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Pour en découvrir plus sur Annik et suivre son actualité rendez-vous sur son site : www.annik-reymond.org 
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J’espère que cette découverte t’aura inspiré ou tout du moins intéressé.
N’hésite surtout pas à laisser un commentaire et partager l’article. À bientôt.

 

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