Si la clarté désigne la qualité de ce qui est facilement intelligible, alors le précompte ne peut être associé à cette définition. Il fait sans conteste partie des pratiques les
plus nébuleuses de notre activité. J’en veux pour preuve les nombreuses interrogations à son sujet sur les forums. Même le site de la sécurité sociale des artistes auteurs n’en propose pas une définition claire et précise. Lord sauve nous…
Devant ce manque d’informations, j’ai mené mon enquête. Je ne m’attendais pas à rencontrer un tel imbroglio. Un calvaire à analyser. J’aurais préféré m’enduire le corps de miel et jouer des claquettes sur une énorme fourmilière devant une assemblée de hyènes. Cela aurait été plus facile...
Ce qui ressort de cette investigation c’est qu’aucun artiste n’a intérêt à précompter. Vous allez comprendre plus tard.
Même s’il est vrai que tous les artistes-auteurs déclarant fiscalement en BNC sont dispensés de précompte, ce n’est cependant pas une raison pour en ignorer son fonctionnement. Vous pourriez être surpris par ce que vous allez découvrir.
Qu’est-ce que le précompte ?
Le précompte est une opération qui consiste à capter une partie de vos cotisations directement sur vos ventes.
Exemple
Alice vend des illustrations à un éditeur pour une valeur de 3 000 €.
Sur ces 3 000 € l’éditeur va retenir 515,41 € correspondant à ses cotisations sociales pour les reverser à l’Urssaf. Alice sera donc rémunérée 2 484,59 €.
Alice vient de précompter. Cela constitue une sorte de trésorerie en prévision du prochain appel à cotisation.
Le diffuseur : un client qui précompte pour vous
L’éditeur dans l’exemple précédent est ce qu’on appelle un diffuseur.
Un diffuseur est « toute personne physique ou morale qui procède à l’exploitation commerciale de vos œuvres originales » => client.
Ces clients sont pour certains soumis au précompte, comme :
- Sociétés de ventes volontaires (vente aux enchères)
- Antiquaires
- Brocanteurs
- Certains musées
- Commerces dont une part de l’activité consiste à vendre des œuvres originales graphiques et plastiques
D'autres sont exemptent de précompte comme :
- un confrère artiste-auteur MDA ou AGESSA
- un particulier
- un client étranger (entreprise ou particulier)
- une galerie d’art
Quoi qu’il arrive ce sont toujours vos diffuseurs qui précomptent pour vous. Vous ne payez en aucun cas vous-même le précompte.
Voici un exemple de facture avec précompte à présenter au diffuseur : modèle de facture avec précompte.
Vous pouvez y voir les taux de cotisations en vigueur appliqués à la somme due.
- Cotisation Sécurité sociale (0,40 % du montant HT)
- Cotisation vieillesse plafonnée (6,90 % du montant HT s’il est inférieur à 40 524 €)
- Contribution sociale généralisée (9,20 % de 98,25 % du montant HT)
- Contribution pour le remboursement de la dette sociale (0,50 % de 98,25 %)
- Contribution à la formation professionnelle (0,35 % du montant brut HT)
Un certificat des sommes précomptées signé et tamponné par le diffuseur doit vous être remis à l’issue de la transaction. Ce document atteste que le client a bien versé vos cotisations à l’Urssaf. Sans cela les sommes pourraient vous être réclamées une deuxième fois par l’Urssaf. Ce document est à joindre à votre déclaration annuelle de revenus artistiques.
Dispense de précompte
Depuis la réforme de 2019, tous les artistes-auteurs déclarés fiscalement en BNC sont dispensés de précompte (avant cela, il était obligatoire de précompter la première année d’activité).
Pour justifier de cette dispense, utilisez votre avis de situation au répertoire du « Système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements » (SIRENE) disponible sur avis-situation-sirene.insee.fr.
Pour les artistes-auteurs inscrits avant 2019 à la MDA/AGESSA. Une attestation de dispense de précompte (S2062) est disponible dans votre espace personnel en ligne. (pdf)
Note
Certains diffuseurs — rompus au précompte — (éditeurs, producteurs...) ou OGC (SACEM, SACD...) ont tendance à appliquer systématiquement le précompte sans tenir compte du mode de déclaration fiscale, ni des dispenses de précompte des artistes-auteurs auxquels ils versent des droits d’auteurs. Ces mauvaises pratiques sont au détriment des artistes-auteurs et d’une gestion rationnelle du régime. (source : CAAP)
Le problème du précompte
Le précompte est tout simplement incompatible avec le statut d’artiste-auteur.
Les cotisations sociales précomptées sont calculées sur votre recette => un calcul appliqué normalement aux revenus déclarés fiscalement en TS (Traitements et Salaires)
Or, en tant qu’artiste-auteur vous êtes sous le régime fiscal des BNC. Vos cotisations doivent donc être calculées sur votre bénéfice. C’est votre droit ! Alinéa 1 de l’article 93 du code général des impôts (CGI)
Cela veut dire que les cotisations précomptées le sont sur une mauvaise base. En clair, vous cotisez plus que vous ne devriez (majoration).
Pour reprendre l'exemple d'Alice l’illustratrice (en micro BNC). Si l'on procède au calcul adéquat de ses cotisations sur la vente des illustrations, on obtient 391,18 €. Or en précomptant Alice paye 515,41 €. Soit 124,23 € en trop, 31% de plus.
Pour ces raisons vous ne devriez en aucun cas déclarer vos revenus artistiques en TS.
Seuls les auteurs dont la totalité des revenus sont des droits d’auteur déclarés par des tiers (client) se soumettent à ce mode déclaratif. Exemple compositeur ou écrivain. (article 93-1 quater du code général des impôts)
Remarquez que les TS occultent complètement les frais professionnels de l’auteur.
Un artiste-auteur avec des revenus constitués de ventes d’œuvres, de droits d’auteur, etc., déclare la totalité en BNC. (micro ou contrôlée selon option)
Lors du renseignement du formulaire de début d’activité, évitez donc de cocher la case « option pour la pratique du précompte des cotisations par le diffuseur »
(Partie n° 9 du formulaire de début d’activité)
"Concrètement, cocher cette option signifierait que vous demandez à faire des avances de trésorerie à l’ACOSS (Agence centrale des Organismes de Sécurité Sociale) en cotisant sur une assiette sociale erronée et surévaluée. Le montant de vos avances serait de 30% à 100% supérieur à ce que vous devez légalement.
Nota Bene : les délais et modalités de remboursement de ces provisions versées par des tiers ne sont pas explicitement prévus par les textes réglementaires du code de la sécurité sociale. En revanche, conformément au délai de prescription, au-delà de 3 ans, la sécurité sociale conserve tous les trop-perçus." (Source CAAP)
IMPORTANT : Le régime des artistes-auteurs est un régime avec des avantages certains. Mais il est surtout connu pour sa complexité. Adopter le statut d’artiste-auteur n’est pas un acte anodin. Cela nécessite un minimum de connaissance sur les différents aspects (juridique, fiscal, social et comptable) qui régissent ce dernier. S’empresser de s’y affilier à la suite d’une opportunité de vente, n’est donc pas la meilleure façon de débuter. Sans préparation, vous risqueriez de vous sentir vite dépassé. Notamment quand il s’agira de rédiger des documents importants ou d’effectuer des démarches administratives obligatoires. En vous formant, vous vous prémunissez contre ce type de situation tout en développant une certaine sérénité. Et vous évitez les erreurs potentiellement préjudiciables à votre activité. Si vous êtes disposé à faire cet effort, alors vous trouverez dans le Guide débutant artiste-auteur arts graphiques et plastiques toutes les bases nécessaires à cet objectif >> Téléchargez mon guide
En conclusion le précompte est un dispositif inadapté à l’activité d’artiste-auteur, d’autant plus qu’il crée de la confusion, tant au niveau de l’artiste que de ses clients. Il est préférable de s’en s’éloigner afin d’éviter tout écueils. Pensez à faire valoir votre dispense et placez vous-mêmes les sommes correspondantes à vos cotisations sur un compte rémunéré en prévision des appels à cotisations.
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Merci pour cet article !
Je pratique toujours le précompte, à savoir je le détaille sur ma facture, mes clients me payent le net et… et…
Et je ne sais pas s’ils règlent réellement le précompte de leur côté car aucun ne me renvoie jamais la certification et j’ai fini par abandonner. Ce qui est sûr c’est que je cotise trimestriellement auprès de l’URSAFF et que la somme que je règle à l’année me semble étrangement élevée. Comme si je réglais…… deux fois ! Donc concrètement comment dois-je faire maintenant ? Adresser une facture sans précompte ? Voir > http://www.secu-artistes-auteurs.fr/sites/default/files/pdf/Infographie_dispense%20de%20precompte_VF.pdf
Quel est mon moyen de défense / pression face à des diffuseurs qui ne me communiquent pas leurs certification de règlement du précompte auprès de l’URSSAF ?
Pourquoi pratiquez-vous toujours le précompte ? Avez-vous votre avis de situation au répertoire du « Système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements ? Si oui il sert de dispense auprès de vos diffuseurs.
Voilà ce que vous pouvez faire : https://caap.asso.fr/spip.php?article748
Bonjour, depuis de nombreuses années j’établis et transmets mes précomptes aux diffuseurs certains me les valident, mais effectivement mes cotisations sont calculées sur le montant Ht de mes recettes en conséquence , je paie plus que ce que je dois
En effet, l’URSSAF réclame les cotisations sur lé résultat (bénéfice) plus sa majoration appliqué
Est ce qu’à partir de maintenant je peux éviter de précompter toutes mes factures ?
Et comment je justifierai mes cotisations pour la retraite sans ces fameux précomptes?
Merci pour votre réponse
Cordialement.
Oui, dans la mesure où vous vous êtes déclarer (déclaration de début d’activité) auprès de l’inpi.